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Leur Europe

Publié le par Nouvelles du silence



"     (...) Car la falsification de la comptabilité publique grecque et les turpitudes qu’elle révèle, ce n’est pas seulement une erreur comptable. Masquer le déficit réel du budget de l’Etat grec aura exigé un gigantesque réseau de complicités incluant toute la classe politique, la bureaucratie publique et les banques. Ce réseau de complicités n’est pas limité à la Grèce : il a nécessairement englobé ses partenaires européens, les dirigeants politiques de l’Europe, les gestionnaires de la zone euro, les dirigeants de la Banque centrale européenne ( Jean Claude Trichet en privé n’a jamais nié qu’il connaissait la véritable situation comptable de la Grèce et de l’Italie ) et la Commission européenne. On ne peut pas croire que la Direction générale  des affaires économiques et financières à Bruxelles, ignorait  la réalité grecque ; et on s’étonnera que l’institut statistique de la Commission européenne, Eurostat, publie depuis des années des chiffres délibérément faux à faire pâlir d’envie les fausses notations des agences privées impliquées dans la crise de 2008.

Quelle pouvait bien être la raison cachée de ce mensonge d’Etat collectif? Sans doute , faire croire qu’il existe une zone euro , une monnaie commune destinée à concurrencer le dollar américain. Rappelons que la vertu théorique de l’ euro est de faire baisser les taux d’intèrêt en Europe : plus une monnaie est solide , plus les taux sont bas ce qui favorise le développement économique ( ou dans le cas de l’Espagne et du Portugal , la spéculation immobilière ). Les Européens avaient donc tout avantage à couvrir la  Grèce pour protéger l’euro .

Qui a révélé la supercherie ? Non pas les autorités  grecques ni les autorités européennes mais les « affreux » spéculateurs privés. L’ Etat grec , à son grand désespoir , a soudain découvert qu’il ne pouvait plus vendre ses Bons du Trésor sur les marchés financiers au même cours que les Allemands : les opérateurs sur les marchés , ont décidé que l’ euro grec n’était plus l’équivalent d’un euro allemand. Devrait-on inculper ces opérateurs privés pour avoir révélé une réalité que les gouvernements occultaient ? Mais ces opérateurs privés ont le devoir professionnel de générer des profits pour le compte de leurs clients , souvent des fonds de retraite . Tandis que les opérateurs publics ont eux, en principe,le devoir de gérer l’euro selon des règles prévisibles et transparentes. Il serait donc inconvenant d’accuser les opérateurs privés d’attaquer l’euro: si l’euro était au-dessus de tout soupçon, il ne serait pas attaqué .

Et par-delà l’affaire grecque ,il devient soudain évident que l’ensemble de la zone euro est maintenant fragilisée par une exécrable gestion publique dans tous les Etats concernés . Aucun gouvernement   de la zone euro , le plus vertueux restant tout de même l’Allemagne , ne respecte les deux fondements de l’euro , soit un déficit public inférieur à 3% de la Production intérieure brute  et une dette publique inférieure à 60%de cette PIB. Après la Gréce , les Etats les plus endettés sont l’Irlande , l’Espagne  et l’Italie , suivis d’un second peloton avec la France et le Portugal.

Comment la zone euro est-elle devenue aussi hétéroclite, globalement mal gérée et à terme, imprévisible ? Les traditions locales – l’Etat dépensier en France, l’Etat menteur en Grèce – n’ont pas disparu et (...), au nom de la crise , l’idéologie keynésienne a conduit à une sorte de renationalisation de l’économie . Ce retour des Etats nous aura peut-être sauvés d’une récession plus profonde : on ne saurait le prouver ni le contredire puisque  cette Grande crise n’a pas eu lieu. Mais il est prouvé  ou au moins très probable  que le retour des Etats et l’idéologie keynésienne nous lèguent un euro fragile et des dettes publiques ingérables. On ne peut exclure des faillites d'Etat sur le modèle argentin ou au moins, une ruineuse inflation pour "faciliter" le remboursement de la dette publique au prix de l'appauvrissement général (...)

Guy Sorman 

 voir son site :  http://gsorman.typepad.com/

PS. : j'ai beau chercher, je ne vois pas, dans l'Histoire, de falsification aussi grandiose que celle-ci.

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