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Paul Claudel (Anniversaire 10)

Publié le par Nouvelles du silence


On voudrait nous faire croire que des écrivains littérairement médiocres et moralement immondes comme Rebatet, Brasillach ou Drieu sont les véritables "maudits" de la littérature de notre temps, alors qu'ils n'en sont que la lie... Ni médiocre ni immonde, mais vrai maudit, voici Claudel... A part Sollers, lui-même contesté surtout par ceux qui ne l'ont pas lu, on ne voit personne de poids dans le paysage littéraire actuel qui ait le courage ou la capacité de le défendre avec efficacité....Maudit pourquoi? Essentiellement pour deux raisons (je mets à part l'antichristianisme militant, inculte et autoritaire qui semble aller de soi partout) :

1) Son engagement politique catholique (mais catholique de l'époque, puisque l'Eglise change souvent de chemise) : deux poids-deux mesures, on "oublie" que Sartre trouvait l'URSS et Cuba  tout à fait politiquement présentables("En URSS, la liberté de critique est totale"), ou que Cioran admirait Hitler et Pound Mussolini, mais on ne pardonne pas à Claudel d'avoir dit que les républicains espagnols massacraient autant que les franquistes, - de préférence des religieux.
 On "oublie" aussi qu'en 1941, il écrit une lettre ouverte au grand rabbin de France pour dénoncer l'antisémitisme criminel de Vichy : "Un catholique ne peut oublier qu'Israël est le Fils aîné de la promesse comme il est aujourd'hui le Fils aîné de la douleur", ce qui le fait mettre sous surveillance policière; et ceci bien qu'il ait écrit auparavant un" Paroles au maréchal"(et non une Ode) : mais là,  bien fait pour son avidité, c'était, non par allégeance - il y a, dans son Journal ( malheureusement édité en Pléiade seulement), une critique féroce de Vichy et de son personnel comme de Maurras, avec lequel il sera d'ailleurs en procès après la guerre -  mais dans le but interessé de faire jouer une de ses pièces.

2) Son attitude par rapport à sa soeur qu'il place, en accord avec le reste de la famille, dans un asile psychiatrique... Désolant, monstrueux, certes, mais je ne vois aucune bonne âme autour de moi (ni moi non plus d'ailleurs) prête à recueillir auprès d'elle une Camille dans l'état mental et physique catastrophique où elle se trouvait à l'époque, et pas mal d'années ensuite... D'autant plus que Claudel, diplomate, partait pour de longues années vivre à l'étranger...

Dommage que ces polémiques empêchent de lire une oeuvre poétique considérable et magnifique, issue de Rimbaud, une des plus importantes du XX ème siècle en ce qu'elle est non-nihiliste et inaugure dès 1900 une nouvelle stratégie poétique, anti romantique; qu'elles empêchent de se rendre compte que Claudel est le premier -  le seul? Parce que Segalen et Perse, bon...-  à parler efficacement de la Chine, du Japon (évidemment, il  est littéralement imbibé d'Extrême Orient aprés une vingtaine d'années de séjour); qu'il est l'auteur de textes sur la peinture remarquables( l'Oeil écoute); que ses commentaires sur la Bible, témoignages d'une foi fervente, rafraîchissent bien avant Chouraqui la lecture que nous en avons; enfin qu'il est l'auteur d'une des rares oeuvres théâtrales du XX ème siècle à tenir la route (pensons au délirant Soulier de satin, ou au délicat Partage de midi, mis en scène récemment)...

Un bon livre à lire en cette journée d'anniversaire : Claudel ou la conversion sauvage, de François Angelier (Ed.Salvator).



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