La "destinée manifeste"(!) américaine
Cette œuvre, peinte vers 1872 par John Gast intitulée American Progress est une représentation allégorique de la « Destinée manifeste ». Dans cette scène, une femme angélique (parfois identifiée comme Columbia, la personnification des Etats Unis au XIXe siècle), porte la lumière de la « civilisation » à l'ouest avec les colons américains, câblant le télégraphe dans son sillon. Les Amérindiens et les animaux sauvages fuient vers les ténèbres de l'ouest sauvage.
Le terme de Manifest Destiny (en français « destin manifeste », ou « destinée manifeste ») renvoie à une idéologie défendue par les démocrates-républicains aux États-Unis dans les années 1840, plus particulièrement par les « faucons » sous la présidence de James Polk. Selon cette idéologie, la nation américaine avait pour mission divine de répandre la démocratie et la civilisation vers l'Ouest.
L'expression Manifest Destiny est apparue en 1845 dans l'article du journaliste new-yorkais John O'Sullivan, paru dans le United States Magazine and Democratic Review, à l'occasion de l'annexion du Texas. O’Sullivan utilisa cette expression pour décrire le caractère « de droit divin » de l’irréversible colonisation du continent nord-américain par les Anglo-saxons de la côte Est.
Il déclare : « C'est notre destinée manifeste de nous déployer sur le continent confié par la Providence pour le libre développement de notre grandissante multitude ».
La destinée manifeste des États-Unis est de peupler le continent et d'y implanter leurs institutions, parce qu'elles sont supérieures à celles venues d’Europe. Cette Manifest Destiny implique pour eux une mission à remplir, une sorte de mystique de l'expansion, qui marquera culturellement et politiquement les États-Unis.
Dans les années 1840, l'expression est utilisée par les hommes politiques et les dirigeants pour justifier et encourager l'expansion territoriale, présentée sous un angle missionnaire et civilisateur aux citoyens : une nation de type impérial dans laquelle les idéaux de démocratie, de liberté et de progrès sont protégés et soutenus ostensiblement doit se constituer. Dans la pratique, les immigrés d'origine non-européenne dont les esclaves (Noirs) et les Indiens sont exclus de cette destinée.
T. Roosevelt (président de 1901 à 1909) a repris le concept de « destinée manifeste » afin de justifier l’expansionnisme et l’interventionnisme des États-Unis hors de ses frontières. En 1904, par ce qu’on appelle le corollaire Roosevelt à la doctrine Monroe, il affirmait le devoir des États-Unis à intervenir dans la zone des Caraïbes et de l’Amérique latine quand leurs intérêts seraient menacés.
Faisant sien le concept de « Destinée Manifeste » pour affirmer la mission quasi divine des États-Unis de démocratiser le monde, Wilson (président de 1913 à 1921) affirmait quant à lui :
« Je crois que Dieu a présidé à la naissance de cette nation et que nous sommes choisis pour montrer la voie aux nations du monde dans leur marche sur les sentiers de la liberté »..
« L’Amérique est la seule nation idéale dans le monde […] L’Amérique a eu l’infini privilège de respecter sa destinée et de sauver le monde […] Nous sommes venus pour racheter le monde en lui donnant liberté et justice. »
L’impérialisme américain teinté de destinée manifeste est l’héritier des convictions de ces deux présidents. Il suffit d’examiner le discours politique du président George W. Bush au cours de ses deux mandats pour constater qu’il se réclame d’une destinée manifeste, d’une mission presque divine (et pourtant loin des convictions wilsoniennes).
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