Henri-Frédéric Amiel
Berlin, 16 juillet 1848.
- Il n’y a qu’une chose nécessaire : posséder Dieu. - Tous les sens, toutes les forces de l'âme et de l’esprit, toutes les ressources extérieures sont autant d’échappées ouvertes sur la divinité : autant de manieres de déguster et d’adorer Dieu. Il faut savoir se détacher de tout ce qu’on peut perdre, ne s’attacher absolument qu’à l’éternel et à l’absolu et savourer le reste comme un prêt, un usufruit ..... Adorer, comprendre, recevoir, sentir, donner, agir : voila ta loi, ton devoir, ton bonheur, ton ciel. Advienne que pourra, même la mort. Mets-toi d’accord avec toi-même, vis en présence de Dieu, en communion avec lui et laisse guider ton existence aux puissances générales contre lesquelles tu ne peux rien. - Si la mort te laisse du temps, tant mieux. Si elle t’emporte, tant mieux encore. Si elle te tue a demi, tant mieux toujours, elle te ferme la carriere du succés pour t’ouvrir celle de l’héroïsme, de la résignation et de la grandeur morale. Toute vie a sa grandeur et comme il t’est impossible de sortir de Dieu, le mieux est d’y élire sciemment domicile.
Ainsi commence les 17000 pages du Journal intime d'Amiel (1821-1881), introuvable ou d'un prix exorbitant, dont on peut trouver une version abrégée (celle de 1882, qui le fit connaïtre) en deux parties pdf ici et ici