René Tavernier
Il y en a qui prient, il y en a qui fuient,
Il y en a qui maudissent et d’autres réfléchissent,
Courbés sur leur silence, pour entendre le vide,
Il y en a qui confient leur panique à l’espoir,
Il y en a qui s’en foutent et s’endorment le soir
Le sourire aux lèvres.
Et d’autres qui haïssent, d’autres qui font du mal
Pour venger leur propre dénuement.
Et s’abusant eux-mêmes se figurent chanter.
Il y a tous ceux qui s’étourdissent…
Il y en a qui souffrent, silence sur leur silence,
Il en est trop qui vivent de cette souffrance.
Pardonnez-nous, mon Dieu, leur absence.
Il y en a qui tuent, il y en a tant qui meurent.
Et moi, devant cette table tranquille,
Écoutant la mort de la ville,
Écoutant le monde mourir en moi
Et mourant cette agonie du monde.
René tavernier, 1943
(père du cinéaste)